Le “campagne de rappel” se précise. Ce mardi 17 août, le ministère de la Santé a précisé les détails logistiques de la campagne de troisième dose ou de “rappel vaccinal” contre le Covid-19.
Dès le 15 septembre, cette “campagne de rappel” qui concerne les résidents des EPHAD, des USLD, les plus de 80 ans, les immunodéprimés ou à très haut risque face au coronavirus pourront bénéficier d’une nouvelle dose
Cette nouvelle dose- essentielle pour maintenir les défenses immunitaires à un niveau d’efficacité satisfaisant contre le Covid-19- sera distribuée directement aux personnes éligibles séjournant en établissement de santé, dans le cadre de leur protocole de soin.
Les établissements se chargeront de commander ces doses via leur réseau d’officine habituel “dès lundi prochain, en prévision des premières injections”, précise le ministère de la Santé.
Les risques du variant delta
La task-force vaccination s’est penchée sur l’utilité de cette troisième dose et a rendu son avis, sur la base d’une étude du Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE). Pour qui une injection supplémentaire d’un vaccin à ARN messager (Pfizer ou Moderna) serait-elle utile? Les personnes âgées résidant en maison de repos ont pour l’heure été écartées, faute d’étude suffisamment probante.
« Nous sommes inquiets face au regain des contaminations et au danger que représente le variant delta », explique le porte-parole de la task-force, Christopher Barzal. « Les personnes ayant un système immunitaire plus faible présentent un plus grand risque d’infection. Or, il faut protéger ceux qui en ont le plus besoin. »
Immunité collective : le grand flou
La possibilité d’atteindre une immunité collective contre le SARS-CoV-2 est toutefois loin de faire l’unanimité. Sur ce point, le ministère de la Santé reste prudent. « Il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour dire à combien s’élève le taux de vaccination qui nous garantirait une immunité collective dans un contexte de variant Delta, avec des connaissances sur ce variant qui évoluent en permanence », a indiqué le ministère ministère de la Santé.
Même prudence à l’égard des conclusions d’une étude préliminaire, relayée récemment par « Le Monde », qui suggère que l’efficacité du vaccin Moderna contre une infection au variant Delta serait supérieure à celle du produit de Pfizer. « Il s’agit d’un preprint, d’une étude unique sur ce sujet-là et dont le contenu ne fait pas à ce jour l’objet d’un consensus scientifique », répond la rue de Ségur. Il est donc trop tôt pour éventuellement adapter la stratégie vaccinale au profit du vaccin Moderna.
Pourquoi une troisième dose ?
Les autorités préfèrent parler de « rappel ». Car pour certains Français, il s’agira en effet d’une troisième dose. Mais les personnes qui n’ont reçu qu’une dose, car elles ont été infectées par le coronavirus, auront une deuxième injection. Quant aux personnes immunodéprimées, il leur est déjà recommandé depuis le 5 mai de bénéficier d’une troisième dose, on parlera alors d’une quatrième dose. On compte aujourd’hui 100.000 personnes immunodéprimées qui ont déjà reçu une 3e dose de vaccin.
Mais revenons sur les raisons d’un rappel si rapide. Des études montrent une baisse du niveau d’anticorps six mois après la deuxième injection plus rapide chez les personnes les plus âgées. Une étude récente, réalisée à Nancy par le professeur Athanase Bénétos, sur 700 résidents et salariés d’Ehpad, confirme l’intérêt d’un rappel. Ce professeur de gériatrie explique à France bleu : « pour les personnes âgées qui ont eu la Covid, il faut deux doses. Pour ceux qui n’ont pas eu la Covid, comme la réponse est positive mais qu’elle baisse avec le temps, une troisième dose nous paraît nécessaire. »
Contactée, la Direction générale de la santé, semble plus prudente. « Nous n’avons pas, à ce stade, d’avis scientifique entièrement stabilisé concernant la nécessité ou non de proposer une dose de rappel à l’ensemble de la population, ni même concernant les différentes catégories de population qui pourraient faire l’objet d’une campagne de rappel. Nous avons néanmoins, en France, un consensus qui se forme avec des avis convergents de la HAS, du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale (présidée par Alain Fischer) et du Conseil scientifique autour de l’idée qu’une campagne de rappel sera très bientôt nécessaire pour un certain nombre de populations pour lesquelles nous avons déjà identifié un phénomène d’affaiblissement de l’immunité conférée par le vaccin dès neuf mois après la première injection. » Or, les plus de 80 ans ont commencé à être vaccinés dès janvier, soit il y a neuf mois en septembre.
Qui aura droit à une troisième dose à partir du 15 septembre ?
Le feu vert a été donné par le ministère de la Santé jeudi 12 août. Il concerne la fameuse troisième dose de vaccin. Cinq millions de personnes sont concernées par cette campagne de rappel mise en place à la rentrée.
Les résidents des Ehpad et des USLD (Unités de soins longue durée), les personnes de plus de 80 ans vivant à domicile, les personnes à très haut risque de formes graves, ainsi que les personnes immunodéprimées, font partie du premier cercle de ceux à qui une nouvelle dose pourra être administrée, a précisé le ministère de la Santé.
La liste recensant les pathologies à très haut risque a été établie par le Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale (COS), dans le cadre de la première campagne de vaccination, en décembre 2020. Elle a été validée par la Haute autorité de Santé (HAS). Parmi ces maladies figurent certaines maladies rares à expression motrice ou cognitive du système nerveux central, maladies auto-immunes et auto-inflammatoires systémiques rares, maladies hépatiques rares de l’enfant et de l’adulte, maladies neuromusculaires, sclérose latérale amyotrophique, certaines maladies rares en dermatologie, des maladies rares abdominothoraciques, immuno- hématologiques, rénales, respiratoires ou de l’os. Selon la Direction générale de la Santé, cette même liste s’appliquera au démarrage de la campagne de rappel.
La Haute autorité de Santé devrait donner ses recommandations concernant l’administration d’une troisième dose la semaine prochaine.
L’ouverture des créneaux de rendez-vous est fixée au 1er septembre pour la troisième dose. Pour des injections à partir du 15 septembre. Ces rendez-vous voisineront avec ceux fixés pour des injections de première et deuxième doses.
Quels bénéfices attend-on de cette troisième dose ?
Interrogé sur France Info mercredi 11 août, Alain Fischer, président du COS, s’était déjà prononcé pour qu’une troisième dose soit administrée à certains publics dès la rentrée. « Cela nous paraît être la mesure la mieux adaptée », avait-il affirmé.
Sur certaines populations, la durée de protection obtenue par le vaccin diminue avec le temps. « Il y a certaines études en cours sur le suivi des gens vaccinés pour essayer d’estimer à quel moment ils auront besoin d’un rappel. C’est assez dépendant des profils, c’est pour cela que la campagne débutera avec les personnes âgées, qui répondent moins bien aux vaccins, et les publics immunodéprimés, plus fragiles », souligne le Professeur Pierre Tattevin.
Après une vaccination complète, l’efficacité s’élève chez les personnes âgées de 50 ans et plus à 84,2 % tous vaccins confondus, avait précisé Santé Publique France, lors d’un point épidémiologique le 1er juillet.
« Des études réalisées ont démontré que l’efficacité du vaccin était aux alentours de 80 % à 90 %. Mais les toutes dernières semblent montrer que ça baisse dans le temps. Au bout de six mois, sur des publics plus vulnérables, on doit être environ à 50 % de protection. »
Lundi 16 août, Ugur Sahin, le patron de BioNTech affirmait dans un communiqué que la dose de rappel, donnée entre 6 et 12 mois après les deux premières injections, « pourrait aider à réduire les taux d’infections et de maladie chez les personnes préalablement vaccinées, et à mieux contrôler la propagation de variants du virus ».
Comment font les autres pays ?
La France n’est pas le seul pays à prendre cette voie. Israël, pionnier sur la vaccination et premier à avoir vacciner ses habitants, a lancé une campagne de rappel pour tous les plus de 60 ans en juillet. Et le 12 août, elle a abaissé l’âge limite à 50 ans.
De son côté, les Etats-Unis sont plus restrictifs. Ils ont autorisé le 13 août l’injection d’une troisième dose de vaccin de Pfizer ou Moderna contre le Covid-19 pour certaines personnes au système immunitaire affaibli. L’Agence américaine des médicaments (FDA) « a pleinement conscience du fait que les personnes immunodéprimées sont particulièrement à risque de contracter une maladie grave », a expliqué Janet Woodcock, sa commissaire par intérim. La troisième dose pourra être donnée au moins 28 jours après la deuxième, aux personnes ayant reçu une greffe d’organe ou celles présentant « un niveau d’immunodépression similaire », a précisé l’agence dans un communiqué.
En revanche, les personnes en bonne santé « n’ont pas besoin d’une dose supplémentaire de vaccin anti-Covid à ce jour », a-t-elle précisé. Car les laboratoires font du lobbying pour que toute la population reçoive ce rappel… Une prochaine étape pour la France ? C’est ce que redoute l’Organisation Mondiale de la Santé, qui plaide au contraire pour un moratoire sur les doses de rappel des vaccins anti-Covid pour pouvoir mettre ces sérums à disposition des pays qui n’ont pu immuniser qu’une partie infime de leur population.
Est-ce que ce rappel aura lieu chaque année ?
Les professionnels restent suspendus aux résultats des études. « On ne sait pas du tout. Ce n’est pas parce qu’on est obligés d’en faire trois la première année qu’on devra par la suite faire un rappel tous les ans. » Exemples avec d’autres vaccins tels que ceux contre la diphtérie, la poliomyélite, le tétanos. « Il faut faire plusieurs rappels initialement puis un rappel tous les vingt ans suffit. »
Et au médecin de rassurer. « Il y a eu plus de 4 milliards de doses injectées dans le monde. Le vaccin contre le Covid-19 aura été le plus surveillé ! On n’a aucun signal selon lequel la troisième dose serait différente des premières ou deuxièmes… »