Nucléaire français : des « mini réacteurs » performants

Nucléaire français : des « mini réacteurs » performants

Dans son édito de ce mardi 5 octobre, Jérôme Béglé, directeur-adjoint de la rédaction du Point, revient sur le souhait d’Emmanuel Macron d’envisager la construction de SMR, des petits réacteurs modulaires nouvelle génération, plus économiques et plus écologiques.

Depuis la décision de François Hollande de fermer la centrale de Fessenheim en Alsace, le nucléaire français décline. Autrefois réputé dans le monde entier pour ce savoir-faire, notre pays perd inexorablement ses ingénieurs, ses ouvriers spécialisés, ses spécialistes et ses compétences.

Or, à l’heure du réchauffement climatique, on redécouvre les bienfaits du nucléaire source d’énergie qui ne rejette pas de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Jusqu’ici discret sur cette question, Emmanuel Macron semble décidé à rompre avec la politique de son prédécesseur et devrait annoncer la construction de nouveaux réacteurs.

Pourquoi un tel changement de pied ? Est-ce une tactique électorale à quelques mois de la présidentielle ou un vrai revirement stratégique ? Les explications de Jérôme Béglé.

 

Le « chevalier noir de la fission nucléaire »

Face à ce dernier, Emmanuel Macron entend incarner une écologie qui « ne cabre pas la société ». Ainsi, le 27 juillet, lors d’un déplacement en Polynésie, il expliquait : « nous sommes le pays d’Europe qui a le moins de tonnes de CO2 émises par habitants » car « là où les autres pays ont des mines à charbon ou importent beaucoup de gaz nous avons le nucléaire ».

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Augmenter la part de nucléaire permet aussi de répondre à une obsession présidentielle qui est de garantir l’indépendance de la France vis-à-vis des énergies venant de l’étranger. Bataille qu’il mène aussi au niveau européen, la Répubblica le qualifiait, récemment, de « chevalier noir de la fission nucléaire ». Reste que les nouvelles centrales devront prendre en compte le réchauffement climatique et notamment l’augmentation de la température des eaux qui jusqu’ici permettent de refroidir les réacteurs. Mais surtout, risque de ressurgir la lancinante question qui a fait les belles heures des anti nucléaire des années quatre-vingt et à laquelle personne n’a encore apporté de réponse de long terme : que faire des déchets ?

 

Une solution pour l’avenir ?

Le gouvernement aurait l’idée d’investir sérieusement dans ces SMR, « ces petits réacteurs nucléaires plein de promesses » ainsi que les qualifiait Emmanuel Macron en décembre 2020, pour produire l’énergie de demain.  Ces engins produisent près de 300 mégawatts, contre 900 à 1450 pour une centrale nucléaire classique. Ils pourraient coûter moins cher et seraient plus compacts. Le chef du gouvernement détaillera ce projet vendredi 8 octobre, dans le cadre du plan d’investissement pour 2030.

La France en retard

Emmanuel Macron avait déjà mentionné le dossier du SMR lors de son discours du Creusot, en janvier dernier. «Avec une enveloppe de 50 millions d’euros, le plan de relance investi sur deux ans dans la réalisation d’un avant-projet sommaire et engage ainsi la France dans la compétition mondiale sur les SMR, avait-il déclaré devant la filière nucléaire réunie dans l’usine historique de Framatome. Il nous faut rapidement rattraper le retard, considérer aussi toutes les options de partenariat envisageables et nous positionner sur ce segment.» Au sein du gouvernement, on critique même des ingénieurs «arc-boutés sur leur EPR, trop gros pour le vendre à l’étranger.»

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La France est en effet en retard, reconnaît-on jusque dans les rangs d’EDF, alors que cette technologie concentre les espoirs des industriels. Plus petits, les SMR ont une puissance moins importante, mais ils sont aussi moins gourmands en eau pour se refroidir. Ils disposent en outre de mécanismes de sûreté passifs, qui leur permettent de réaliser un refroidissement sans intervention humaine.

 

Le premier SMR ne verra pas le jour avant 2035

Le projet français n’est pas nouveau. Depuis 2017, l’Etat français développe un SMR de 170 MW à eau pressurisée baptisé « Nuward ». Fruit d’une collaboration entre le Commissariat à l’énergie atomique, l’électricien EDF, le groupe naval militaire Naval Group et le spécialiste des réacteurs compacts (notamment pour l’industrie navale), il aurait vocation à assurer le remplacement des centrales thermiques fossiles.

Initialement prévu pour l’export, EDF a d’ores et déjà évoqué la construction d’un prototype en France. Si le gouvernement a bien annoncé en décembre 2020 50 millions d’euros pour financer la phase d’avant-projet sommaire, le premier mini réacteur français ne devrait voir le jour, au mieux, qu’en 2035.

 

Concurrence étrangère

Sur cette technologie, la concurrence internationale a déjà pris une longueur d’avance. De nombreux projets d’implantation de SMR sont en effet en gestation à l’étranger, notamment en Russie, en Chine, aux États-Unis ou au Japon. Ainsi, la Chine a débuté en juillet dernier la construction de son premier SMR, Linglong One. Situé sur l’île de Hainan, ce réacteur de 125 mégawatts (MW) pourra alimenter 526.000 foyers en électricité.

Parallèlement, en août dernier, le groupe russe du nucléaire Rosatom a obtenu les autorisations nécessaires pour implanter en Sibérie un SMR d’une puissance de 50 MW. Sa construction devrait débuter en 2024 et permettre d’exploiter des mines très reculées.

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La Russie et la Chine loin devant dans la course

La France accuse un net retard et traîne loin derrière par exemple des pays comme la Chine ou la Russie. La Chine a ainsi démarré en juillet 2021 le chantier de ce type de réacteur sur l’île tropicale de Hainan, amené à devenir le premier au monde à entrer en service commercial. D’une puissance de 125 mégawatts, il doit permettre d’alimenter en électricité 526 000 foyers.

En 2019, la première centrale nucléaire flottante du monde, mise au point par la Russie, était arrivée à son port de stationnement permanent à Pevek, dans l’extrême-Orient russe, après un voyage de 5 000 kilomètres dans l’Arctique.

 

Une renationalisation de la filière nucléaire qui ne dit pas son nom ?

Comme le rapporte Europe 1, le gouvernement souhaiterait ainsi qu’EDF rachète auprès de General Electric(GE), la division énergie d’Alstom vendue au géant américain en 2014. Un retournement assez surprenant quand on sait que la vente avait été conclue sous le haut patronage du ministre de l’Economie de l’époque, un certain Emmanuel Macron.

En effet, rapidement après son entrée en fonction à Bercy, en novembre 2014, ce dernier avait donné son feu vert au rachat d’Alstom par GE, pour plus de 12 milliards d’euros. La vente d’un fleuron industriel français et son cortège en corollaire de suppressions d’emplois avaient engendré des critiques acerbes vis-à-vis d’Emmanuel Macron, notamment de la part d’Arnaud Montebourg, son prédécesseur à Bercy qui s’était alors opposé à la vente. Plus tard en 2019, il demandera à ce que l’opération soit purement et simplement annulée.

 

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